LA JOLIE ROUSSE | THE PRETTY REDHEAD |
Guillaume Apollinaire | trans. Stan Solomons |
Me voici devant vous un homme plein de sens Connaissant la vie et la mort ce qu’un vivant peut connaître Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l’amour Ayant su quelquefois imposer ses idées Connaissant plusieurs langages Ayant pas mal voyagé Ayant vu la guerre dans l’Artillerie et l’Infanterie Blessé à la tête trépané sous le chloroforme Ayant perdu ses meilleurs amis dans l’effroyable lutte Je sais d’ancien et de nouveau autant qu’un homme seul pourrait Des deux savoir sans m’inquiéter aujourd’hui de cette guerre Entre nous et pour nous mes amis Je juge cette longue querelle de la tradition et l’invention De l’Ordre et de l’Aventure Vous dont la bouche est faite à l’image de celle de Dieu Bouche qui est l’ordre même Soyez indulgents quand vous nous comparez A ceux qui furent la perfection de l’ordre Nous qui quétons partout l’aventure Nous ne sommes pas vos ennemis Nous voulons vous donner de vastes et d’étranges domaines Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues Mille phantasmes impondérables Auxquels il faut donner de la réalité Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait Il y a aussi le temps qu’on peut chasser ou faire revenir Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières De l’illimité et de l’avenir Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés Voici qui revient l’été la saison violente Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps O Soleil c’est le temps de la Raison ardente Et j’attends Pour la suivre toujours la forme noble et douce Qu’elle prend afin que je l’aime seulement Elle vient et m’attire ainsi qu’un fer l’aimant Elle a l’aspect charmant D’une adorable rousse Ses cheveux sont d’or on dirait Un bel éclair qui durerait Ou ces flammes qui se pavanent Dans les roses-thé qui se fanent Mais riez riez de moi Hommes de partout surtout gens d’ici Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire Ayez pitié de moi | Here before all I stand, a man of sense Life-wise, Death-wise so far as mortals know Experienced in the pain and joy of love Able at times to influence Fluent in several tongues Knowing the world Served with the guns and in the trenches Head wounded and trepanned Lost my best friends Knowing of New and Old as much as man may know Not greatly bothered with the present war Between ourselves and for my friends I judge this chronic quarrel of tradition and invention Of Order and Adventure You whose lips are made in the image of God Lips that are order itself be kind when you compare us To those who were the very essence of order We who seek out adventure everywhere. We’re not your enemies We’d give you vast and strange domains Where mystery in bloom is for the taking There are new flames, colours never seen A thousand ineffable fantasies To which reality is crying to be lent We would explore the Good – vast land where all is still There is the time to hunt or to recall So pity us who fight on frontiers Of the infinite and the future Pity our errors pity our sins Here comes the Summer, season of violence My youth is dead as is the Spring O Sun, this is the time of burning Reason And I await Her gentle noble form That she assumes to make me love her Coming to lure me like a lode She has a charm Of copper hair That sometimes is of gold Fine lasting lightning Woven of flames that flash And fade among the tea roses By all means laugh at me Men from all parts, above all folk from here For there are many things I dare not speak So many things you would not let me say Therefore have pity on me. |
Trans. copyright © Stan Solomons 2006
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