La gorge est pleine d’ombre où, sous les bambous grêles, Le soleil au zénith n’a jamais resplendi, Où les filtrations des sources naturelles, S’unissent au silence enflammé de midi.
De la lave durcie aux fissures moussues, Au travers des lichens l’eau tombe en ruisselant, S’y perd, et se creusant de soudaines issues, Germe et circule au fond parmi le gravier blanc.
… …
Ainsi, sur les deux bords de la gorge profonde, Rayonne, chante et rêve, en un même moment, Toute forme vivante et qui fourmille au monde, Mais formes, sons, couleurs s’arrêtent brusquement.
Plus bas, tout est muet et noir au sein du gouffre, Depuis que la montagne, en émergeant des flots, Rugissante, et par jets de granit et de soufre, Se figea dans le ciel et connut le repos.
À peine une échappée, étincelante et bleue, Laisse-t-elle entrevoir, en un pan du ciel pur, Vers Rodrique ou Ceylan le vol des paille-en-queue, Comme un flocon de neige égaré dans l’azur.
Hors ce point lumineux qui sur l’onde palpite, La ravine s’endort dans l’immobile nuit; Et quand un roc miné d’en haut s’y précipite, Il n’éveille pas même un écho de son bruit.
Pour qui sait pénétrer, Nature, dans tes voies, L’illusion t’enserre et ta surface ment: Au fond de tes fureurs, comme au fond de tes joies, Ta force est sans ivresse et sans emportement.
Tel, parmi les sanglots, les rires et les haines, Heureux qui porte en soi, d’indifférence empli, Un gouffre inviolé de silence et d’oubli! Un impassible coeur sourd aux rumeurs humaines.
La vie a beau frémir autour de ce coeur morne, Muet comme un ascète absorbé par son Dieu, Tout roule sans écho dans son ombre sans borne, Et rien n’y luit du ciel, hormis un trait de feu.
Mais ce peu de lumière à ce néant fidèle, C’est le reflet perdu des espaces meilleurs! C’est ton rapide éclair, Espérance éternelle, Qui l’éveille en sa tombe et le convie ailleurs.
| Shade in the gorge. Beneath the bamboo stems The sun in apogee has never shone; The lucent crystal threads of water stem Forth to merge in burning silences of noon.
From solid lava with its mossy flaws, Across the tawny lichens water streams, Is lost, from unexpected issue flows, Resumes its pebble bed with swirl and gleam.
… …
So, on both sides the gorge, this deep-set gash, Together shine and sing and dream and sport All living forms of earth who joy and flash; But in the depth, colour and sound stop short.
Lower. Dumb and dark in the abyss, E’er since the mountain surged up from the flood, Roaring in pain and spitting molten jets, Froze into space, knew peace and cooled its blood.
Sparkling and blue, barely a fleeting sight Is left, the mountain looms in the sky pure; Toward Ceylon the phaeton bird in flight Is like an errant snowflake in the azure.
Besides this shining point of life which throbs O’er sea, the ravine in still night sleeps sound, And when a boulder undermined drops, It wakes not even an echo of its sound.
Nature, for those who penetrate thy ways, Illusion binds thee with its lying sheen. Beneath thy fury as beneath thy joy, Is strength without hysteria or spleen.
For those, beset by laughter and by hate, Carry within an inner joy, all care bereft, A gulf inviolate of silence made! A soul towards all human noise that’s deaf.
In vain the world will shimmer round their soul, Mute as an ascete mingled with his God, Within his shadow limitless and whole, No sound, no heavenly light, an abode
With but a thread of light in the abyss, The lost reflection of a higher space, A flash of Hope, trace of eternal Bliss, Which wakes them in their tomb and lends them grace.
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