JARDIN SOUS LA PLUIE | GARDEN IN THE RAIN |
Henri de Régnier | trans. Stan Solomons |
La croisée est ouverte; il pleut Comme minutieusement, A petit bruit et peu à peu, Sur le jardin frais et dormant. Feuille à feuille la pluie éveille L’arbre poudreux qu’elle verdit; Au mur on dirait que la treille S’étire d’un geste engourdi. L’herbe frémit, le gravier tiède Crépite et l’on croirait là-bas Entendre sur le sable et l’herbe Comme d’imperceptibles pas. Le jardin chuchote et tressaille Furtif et confidentiel; L’averse semble maille à maille Tisser la terre avec le ciel. Il pleut, et, les yeux clos, j’écoute De toute la pluie à la fois Le jardin mouillé qui s’égoutte Dans l’ombre que j’ai faite en moi. | Outside the window seeps, Finely and noiselessly, the rain Across the window pane. And the cool garden sleeps. Leaf after leaf, the rain awakes The dusty tree and slakes Its green thirst, while the vine From its coiled sleep unwinds. The warm gravel drinks its fill, The grasses tremble, and around, Deceptive rustling of unreal Footsteps and their phantom sound. The garden shudders and the flowers Whisper together, shy, While stitch by stitch the showers Weave earth to sky. Eyes closed, I listen To that internal rain That drips and glistens Within the garden of my pain. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
MON AMOUR | MY LOVE |
Henri de Régnier | trans. Stan Solomons |
Si j’ai parlé de mon amour, C’est à l’eau lente Qui m’écoute quand je penche Sur elle: Si j’ai parlé De mon amour, c’est au vent Qui rit et chuchote entre les branches. Si j’ai parlé de mon amour, C’est à l’oiseau Qui passe et chante Avec le vent. Si j’ai parlé C’est à l’écho. Si j’ai aimé de grand amour, Triste ou joyeux, Ce sont tes yeux; Si j’ai aimé de grand amour, Ce fut ta bouche grave et douce, Ce fut ta bouche; Si j’ai aimé de grand amour, Ce furent ta chair tiède Et tes mains fraîches, Et c’est ton ombre Que je cherche. | If I have spoken of my love, ‘Tis to the slow stream That listens when I lean Above. If I have spoken Of my love, ’tis to the breeze Laughing and whispering in the trees. If I have spoken of my love, ‘Tis to the bird That sings and skims With the wind. If I have spoken so ‘Tis to the echo. If I loved greatly, Sadly or happily. It was your gaze If my love was great It was your lips so sweet, Gentle and grave. If I have loved so much It was your warm flesh And your cool touch And it is your shadow That I seek now. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006