Category: Charles Baudelaire
SPLEEN – III | SPLEEN – III |
Charles Baudelaire | trans. Stan Solomons |
Je suis comme le roi d’un pays pluvieux, Riche, mais impuissant, jeune et pourtant tres vieux, Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes, S’ennuie avec ses chiens comme avec d’autres bêtes. Rien ne peut l’égayer, ni gibier, ni faucon, Ni son peuple mourant en face du balcon. Du bouffon favori la grotesque ballade Ne distrait plus le front de ce cruel malade; Son lit fleurdelisé se transforme en tombeau, Et les dames d’atour, pour qui tout prince est beau, Ne savent plus trouver d’impudique toilette Pour tirer un souris de ce jeune squelette. Le savant qui lui fait de l’or n’a jamais pu De son etre extirper l’élément corrompu, Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent, Il n’a su réchauffer ce cadavre hébété Où coule au lieu de sang l’eau verte de Léthé. | I’m like some monarch of a rainy land, Rich but weak; young yet old and wizened, Despising courtiers and all their fawning, Bored with his hounds, forever yawning. Nothing can cheer him, hunting, falconry, Nor peasants dying ‘neath his balcony, Nor favourite clown mouthing grotesquely Cannot amuse him, cure his cruelty. His lily flowered bed is changed to tomb, And sycophantic ladies cannot find Robes prurient enough and of a kind To win a smile from this young skeleton. His private alchemist transmuting gold Can’t extract corruption from his soul Even those baths of blood, a heritage, In which the kings of Rome were wont to bathe, Cannot restore life warmth to this numb shell Suffused with the dark fluid of his Hell. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2005
L’INVITATION AU VOYAGE | INVITATION TO THE JOURNEY |
Charles Baudelaire | trans. Stan Solomons |
Mon enfant, ma soeur, Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traitres yeux, Brillant à travers leurs larmes. Là tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l’ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait à l’âme en secret Sa douce langue natale. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l’humeur est vagabonde; C’est pour assouvir Ton moindre désir Qu’ils viennent du bout du monde. – Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D’hyacinthe et d’or; Le monde s’endort Dans une chaude lumière. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. | My sister O my child, Think of that life so mild, Dwelling together, Loving at leisure, Loving and dying and In your very land! The brimming suns Of those wan skies Evoke such spells, Charms without reason, As does the treason Of eyes tear-welled. All there is form and beauty Sensual serenity. Smooth gleaming chairs Stroked by the years, Gracing our chamber. And rare flowers Mingling their odour With scent of amber. Sumptuous ceilings, Infinite mirrors And subtle splendours. All would accord Secrets to the soul In their own words. And all is form and beauty Sensual ecstasy. On the canals float And rock the boats In errant mood; It is to soothe Your every whim From far they come. The setting sun Enflames the town, The fields, canals alike, With gold and hyacinth; While the world sinks Into a warm light. There all is formal beauty Calm sensuality. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006Return to poet’s index
Video of setting by D W Solomons for guitar and alto
Video of setting by D W Solomons for alto and piano
CORRESPONDANCES | AFFINITIES |
Charles Baudelaire | trans. Stan Solomons |
La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles; L’homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, – Et d’autres, corrompus, riches et triomphants, Ayant l’expansion des choses infinies, Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens, Qui chantent les transports de l’esprit et des sens. | Nature’s a temple where living pillars Sometimes let slip a rare syllable; And man’s a traveller through these symbol Forests, peering at him, familiar. As echos from infinitude confound Into a deep and sombre unity, Vast as the night, immense as clarity, Combining colour, scent and sound. Perfumes as cool as childrens’ flesh, Dulcet as oboes, green as grass, Others, victorious, corrupt, and rich, Grow to infinity and pass Outwards like amber, musk and incense, Lauding the ecstasy of mind and sense. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
QUAND LE CIEL BAS ET LOURD … | SPLEEN |
Charles Baudelaire | trans. Stan Solomons |
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis, Et que de l’horizon embrassant tout le cercle Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits; Quand la terre est changée en un cachot humide, Où l’Espérance, comme une chauve-souris, S’en va battant les murs de son aile timide Et se cognant la tête à des plafonds pourris; Quand la pluie étalant ses immenses traînées D’une vaste prison imite les barreaux, Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, Des cloches tout à coup sautent avec furie Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, Ainsi que des esprits errants et sans patrie Qui se mettent à geindre opiniâtrement. – Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, Défilent lentement dans mon âme; l’Espoir, Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique, Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. | The lowering sky bears down Upon my spirit, prey to ennui, And from the horizon around Pours forth a sad and darker day. Into a dungeon, day is changed, And, like a blinded bat, feeling And hope wing the dank walls, deranged, Beating their brains against the ceiling. The slanting rain impends and falls, Like bars across a prison cell; And spiders, grisly silent race, Spin in my mind their dusty lace. Carillons furiously peal, Flailing the sky with dissonance, Wandering ghosts that skim and glance, Exiled and desperate, unreal. Hearses, unloved and unadorned, Sweep slowly through my soul; suborned Hope weeps there; into my brain Anguish thrusts deep its flag of pain. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
CHANT D’AUTOMNE
AUTUMN SONG
Charles Baudelaire
trans. Stan Solomons
I
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts!
J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l’hiver va rentrer dans mon être: colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.
J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe;
L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part ...
Pour qui? - C’est hier l’été voici l’automne!
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
II
J’aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd’hui m’est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l’âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.
Et pourtant aimez-moi, tendre coeur! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D’un glorieux automne ou d’un soleil couchant.
Courte tâche! La tombe attend; elle est avide!
Ah! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l’été blanc et torride,
De l’arrière-saison le rayon jaune et doux!
I
Soon shall we plunge in shadows cold
Farewell the living light of summer tide
Already do I hear the sickening thud
Of falling trees echoing in the road.
Into my being will return the Winter
Of shuddering hate, horror and forced labour
And like the sun, at last extinct and cold
My heart will be a frozen block of blood.
Trembling I hear each log under the axe
The echoes of the scaffold no less black
My spirit like the tower that soon sags
Under the tireless battle ram’s attack.
I fancy, lulled by this repeated sound,
Someone in haste is nailing coffins down.
For whom? Summer is past, already Fall,
This noise tolls like a mysterious farewell
II
I love your gleaming green eyes and adore
Your gentle beauty, but today is bitter
And nothing, neither heart, nor home, nor lover
Exceeds the sunlight glistening on the sea.
Yet mother me, my darling, show me tenderness.
Ungrateful wretch I am, and full of sin.
Lover or sister, be the passing sweetness
Of glorious autumn or the setting sun.
But time is short! The eager tomb awaits
Let me with my head upon your knees,
Wistful for torrid summer, taste
The gentle amber autumn rays.
Trans. Copyright © Stan Solomons 2008