LA CIGALE ET LA FOURMI | THE GRASSHOPPER AND THE ANT |
Jean de la Fontaine | trans. Stan Solomons |
La cigale, ayant chanté Tout l’été, trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu’à la saison nouvelle. “Je vous paierai,” lui dit-elle, “avant l’août, foi d’animal, Intérêt et principal.” La fourmi n’est pas prêteuse; C’est là son moindre défaut. “Que faisiez-vous au temps chaud?” Dit-elle à cette emprunteuse. – “Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise.” – “Vous chantiez? j’en suis fort aise. Eh bien! dansez maintenant.” | The Grasshopper in drowsy song Has spent the pleasant summer long, And found herself without a crumb When winter’s icy blast had come. Not one small morsel could she spy Of puny worm or measly fly. So off she went to cry her want Straight to her neighbour Madame Ant, Merely asking for a loan Of bread or grain to eke her own Until the plenteous time came round. “I’ll pay you back, or I’ll be bound By August, word of animal, Both interest and principal.” The Ants are not a lending lot Indeed that is their slightest fault. “What were you doing when ’twas hot?” She asked this impecunious sort. ” To all who came, both day and night I used to sing at every chance.” “You used to sing? That’s fine and right! Well now’s the very time – to dance!” |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
Video of setting by D W Solomons for guitar, alto and wind instrument
LE COCHE ET LA MOUCHE | THE COACH AND THE FLY |
Jean de la Fontaine | trans. Stan Solomons |
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au soleil exposé, Six forts chevaux tiraient un coche. Femmes, moine, vieillards, tout était descendu. L’attelage suait, soufflait, était rendu. Une mouche survient, et des chevaux s’approche, Prétend les animer par son bourdonnement, Pique l’un, pique l’autre, et pense à tout moment Qu’elle fait aller la machine, S’assied sur le timon, sur le nez du cocher; Aussitôt que le char chemine, Et qu’elle voit les gens marcher, Elle s’en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l’empressée; il semble que ce soit Un sergent de bataille allant en chaque endroit Faire avancer ses gens, et hâter la victoire. La mouche en ce commun besoin Se plaint qu’elle agit seule, et qu’elle a tout le soin. Qu’aucun n’aide aux chevaux à se tirer d’affaire. Le moine disait son bréviaire: Il prenait bien son temps! Un femme chantait C’était bien de chansons qu’alors il s’agissait! Dame mouche s’en va chanter à leurs oreilles, Et fait cent sottises pareilles. Après bien du travail le coche arrive au haut. “Respirons maintenant,” dit la mouche aussitôt: “J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine. Çà, Messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine.” Ainsi certaines gens faisant les empressés, S’introduisent dans les affaires. Ils font partout les nécessaires, Et partout importuns devraient être chassés. | Up a steep dusty road of sand In all directions open to the sun Six massive horses pulled a coach. Women, priest, old men – all had vacated, While the team lugged and strained and sweated. A housefly happened to approach, To rouse them in their task. Nipped here, nipped there, thinking at last She was the one to get things moving Landing on noses, horses, on the shafts No sooner saw the carriage lurching, And all the people marching, Claimed for herself the fame the glory, Doubling her effort, as it were A sergeant major rushing everywhere Advancing troops and hastening victory. All were affected yet the fly complained She was alone in this affair, Nobody helped her, she took all the pains. The priest was rapt in prayer. A girl was singing. “Well I declare” Exclaimed the fly, “That’s neither here nor there!” And busily buzzed off humming In their ears a thousand stupid things. After a deal of effort they arrived. “Now we can breathe in comfort”, said the fly, “Because of my hard work we have survived. ” Now my fine horses, what about my pay?” Thus certain people love to meddle, Importunate they are – affected, Pretending to be indispensable. They ought to be ejected. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
LE CORBEAU ET LE RENARD | THE FOX AND THE CROW |
Jean de la Fontaine | trans. Stan Solomons |
Maître corbeau, sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître renard, par l’odeur alléché, Lui tint à peu près ce langage: “Hé! bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli! que vous me semblez beau! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois.” À ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie; Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le renard s’en saisit, et dit: “Mon bon monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.” Le corbeau honteux et confus, Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. | Master Crow, perched on a branch, Held in his beak a cheese. Master Fox, attracted by the stench, Addressed him in this wise: “Ah there, Sir Crow! Give you good day! How fine you look! Elegant, Gay! Without a lie now, if your voice Accorded with your plumage choice, You’d be the finest of the woodland host.” At these kind words, the Crow most Swooned. To show his voice with ease, Opened a monstrous beak – and dropped the cheese. The Fox then pounced and said: ” My dear good sir Know you that every flatterer Lives at the cost of those that listen. Surely a cheese is worth this lesson?” The Crow, ashamed, heartily swore, A little late, he’d be deceived no more. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE AUSSI GROSSE QUE LE BOEUF | THE FROG THAT WISHED TO BE AS BIG AS A BULL |
Jean de la Fontaine | trans. Stan Solomons |
Une grenouille vit un boeuf Qui lui sembla de belle taille. Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un oeuf, Envieuse s’étend, et s’enfle, et se travaille Pour égaler l’animal en grosseur, Disant: “Regardez bien ma soeur, Est-ce assez? dites-moi. N’y suis-je point encore? – Nenni.- M’y voici donc? – Point du tout. M’y voilà? – Vous n’en approchez point.” La chétive pécore s’enfla si bien qu’elle creva. Le monde est plein des gens qui ne sont pas plus sages: Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs; Tout petit prince a des ambassadeurs; Tout marquis veut avoir des pages. | A Frog one day espied a Bull Who seemed to her in stature full. And she, less than an egg in size, In envy stretched and strained to rise And match in bulk the animal. Saying: “My brother, look you well! Is this enough? I’m there now, sure!” – “No!” “Not there? Not the slightest bit?” – “You’re nowhere near!” The hapless creature Blew herself up so much, she split! The world is full of people no more sage: Bourgeois world over emulate seigneurs; And petty princes have ambassadors; Each marquis must have his own private page. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
LE LABOUREUR ET SES ENFANS | THE PLOUGHMAN AND HIS SONS |
Jean de la Fontaine | trans. Stan Solomons |
Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine, Fit venir ses enfans, leur parla sans témoins. “Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage Que nous ont laissé nos parens: Un trésor est caché dedans. Je ne sais pas l’endroit; mais un peu de courage Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout. Remuez votre champ dés qu’on aura fait l’août: Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place Où la main ne passe et repasse.” Le père mort, les fils retournent le champ, De#0231a, delà, partout; si bien qu’au bout de l’an Il en rapporta davantage. D’argent, point de cache. Mais le père fut sage De leur montrer, avant sa mort, Que le travail est un trésor. | A wealthy ploughman, feeling death encroach, Summoned his sons and bade them all approach. “Beware!” said he. “Sell not the heritage Our ancestors have left. There’s hid a treasure chest, I know not well the spot, but given courage You’ll come to it, and you’ll discover. Dig your field over, after harvest time, Furrow and bore and burrow, leave no place Unturned you can find. The father died, and the sons ploughed the field Over from end to end, so well the yield Was ten-fold what they used to gather. But money was there none. How wise the father Before he died to show them in good measure That work itself is finest treasure. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
LA MONTAGNE QUI S’ACCOUCHA | THE MOUNTAIN THAT GAVE BIRTH |
Jean de la Fontaine | trans. Stan Solomons |
Une montagne en mal d’enfant Jetait une clameur si haute Que chacun, au bruit accourant, Crût qu’elle accoucherait, sans faute, D’une cité plus grosse que Paris: Elle accoucha d’une souris. Quand je songe à cette fable Dont le récit est menteur Et le sens est véritable, Je me figure un auteur Qui dit: “Je chanterai la guerre Que firent les Titans au maître du tonnerre.” C’est promettre beaucoup; mais qu’en sort-il souvent? Du vent. | A great mountain in labour Made such a clamour That people flocked about To see the birth, no doubt Of a great city, or at least a house. And what emerged? A mouse. When I bethink me of this fable, Merely apocryphal, Although the sense is truer, I have in mind an author Who said: ” I’ll celebrate the war Of Titans ‘gainst the God of Thunder.” Promises, promises. You will often find But wind. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
LE RENARD ET LES RAISINS | THE FOX AND THE GRAPES |
Jean de la Fontaine | trans. Stan Solomons |
Certain renard gascon, d’autres disent normand, Mourant presque de faim, vit au haut d’une treille Des raisins mûrs apparemment, Et couverts d’une peau vermeille. Le galand en eût fait volontiers un repas; Mais comme il n’y pouvait atteindre: “Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats.” Fit-il pas mieux que de se plaindre ? | A hungry fox, possibly Norman Spotted some grapes growing On high, all ripe and glowing With skin vermilion. Right willingly he’s eat, But since he could not get: “They’re green”, he said, “and fit for swine.” Did he not better than complain? |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006
LE RAT QUI S’EST RETIRÉ DU MONDE | THE RAT WHO WITHDREW FROM THE WORLD |
Jean de la Fontaine | trans. Stan Solomons |
Les Levantins en leur légende Disent qu’un certain rat, las des soins d’ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas. La solitude était profonde, S’étendant partout à la ronde. Notre ermite nouveau subsistait là dedans. Il fit tant, de pieds et de dents, Qu’en peu de jours il eut au fond de l’ermitage Le vivre et le couvert; que faut-il davantage? Il devint gros et gras; Dieu prodigue ses biens À ceux qui font voeu d’être siens. Un jour au dévot personnage Des députés du peuple rat S’en vinrent demander quelque aumône légère: Ils allaient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat; Ratopolis était bloquée: On les avait contraints de partir sans argent, Attendu l’état indigent De la république attaquée. Ils demandaient fort peu, certains que le secours Serait prêt dans quatre ou cinq jours. “Mes amis,” dit le solitaire, “Les choses d’ici-bas ne me regardent plus: En quoi peut un pauvre reclus Vous assister? que peut-il faire, Que de prier le Ciel qu’il vous aide en ceci? J’espère qu’il aura de vous quelque souci.” Ayant parlé de cette sorte, Le nouveau saint ferma sa porte. Qui désignai-je, à votre avis, Par ce rat si peu secourable? Un moine? Non, mais un dervis: Je suppose qu’un moine est toujours charitable. | The Levantines, in their legend, Say that a certain Rat, weary of life, Into a cheese of Holland Withdrew, far from the strife. The solitude was so profound, Extending in a perfect round. Therein subsisted our new hermit Working so well with teeth and feet, That soon he had within his hermitage Wherewith to live right well – now who more sage? He grew both full and fat: God is not loath To render gifts to those that take his oath. To this so pious personage One day there came some Member Rats, A trifling alms they would demand: They went to foreign land, Seeking some help against the Cats. Rat-town was quite besieged. They had been forced to flee quite penniless, For the condition moneyless Of the beleagured State had thus obliged. Little they asked, full certain that some aid In four or five days would be made. Thus spake our hermit: Oh my friends, Earthly affairs for me are no more use. How can an indigent recluse Help you? What can he lend Except his prayers to Heaven to aid in this? I pray the Father sends you all his Bliss.” Having pronounced thus – and some more, The new Saint calmly closed the door. Whom did I mean, in your opinion, By this Rat so intractable? A monk? No, sure, a devil’s minion. Monks, I’d suppose, are ever charitable. |
Trans. Copyright © Stan Solomons 2006